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Pitié pour les salauds, ils n’iront jamais là-haut !

Jean-Charles était huissier.

Il gagnait sa vie en jetant les gens hors de chez eux. Chaque bien immobilier confisqué, chaque dossier bouclé finissait dans sa bibliothèque comme une sorte de trophée. Le dimanche, avec sa femme et son fils, il allait à l’église saluer le curé et les notables avant de découper le poulet. Je dis bien « était » car il est mort le week-end dernier! Etranglé par Momo, un p’tit gars du quartier. Faut dire que le Momo, il était assez remonté ! Jean-Charles, qui aimait le travail bien fait, avait flanqué toute sa famille sur le trottoir à la vitesse grand V. Huit qu’ils étaient ! La grand-mère n’a pas encaissé, on l’a enterrée peu de temps après. Du coup, Momo s’est fâché. Sa mémé, il l’aimait ! Quand il a vu le cercueil recouvert de terre, il n’a pas supporté. Les yeux gonflés par les nuits qu’il avait passé à veiller sa mémé, il revoyait le visage fermé de l’huissier qui disait : « Je ne fais que mon métier ! ». « Salaud ! » disait Momo. « Salaud, je vais te faire la peau !». Sa mâchoire s’est crispée. Sa gorge s’est nouée. Ses poings se sont serrés. Il a rassemblé toute sa haine et elle et lui sont allés dans le bureau de l’huissier. Il a commencé, gentiment, en tout cassant. Puis il a encastré la tête de la secrétaire dans une toile signée Dürer ! Pauvre Esther ! Ensuite, il a défoncé la porte de Jean-Charles, lequel planchait sur un dossier de sans-papiers qui vivaient dans un deux pièces en toute illégalité. Quel pied ! Momo a plongé direct sur le bureau pour attraper son cou fripé. Et il a serré, serré. « Salaud » hurlait Momo ! « Greugreugreu » bavait l’étouffé ! Les yeux injectés de sang, la langue pendante, le visage presque bleuté, l’huissier, étonné, souffrait ! Momo jubilait ! Au moment où il allait trépasser, j’ai vu passer dans les yeux du condamné une pensée qui disait : « Ce n’est pas juste, j’ai toujours aimé le travail bien fait ! » Depuis, les journaux se déchaînent contre le salaud pour protéger Momo. Moi l’Ange qui regarde ça d’en haut, j’avoue ne pas avoir d’avis aussi tranché... J’ai même une certaine pitié pour ce pauvre huissier. Car personne ne sait qu’enfant on lui avait coupé le cœur à la hache et qu’on l’avait élevé à coups de cravache. Avant même qu’il ne découvre les aventures de Peter Pan, son père avait détruit ses rêves d’enfants. Pour lui, pas de récré, il devait bosser ! Alors forcément, dès qu’il fut devenu grand, à sept ans, il devint un être sans pitié. Le seul rêve que son père lui avait laissé, c’était de reprendre son cabinet. Il y est arrivé. Il s’est marié un week-end de janvier. Il a mis sa femme au foyer, elle lui a donné un héritier. Puis il a travaillé, travaillé, travaillé. Il a tellement travaillé qu’il n’a pas eu le temps de veiller son père mourant. Tandis que celui-ci se demandait pourquoi son fils ne venait pas l’embrasser, lui bouclait son dernier dossier : Une famille de huit à expulser. Une semaine après, dans un corbillard conduit par des hommes en noir, son père partait seul au four crématoire. Tout huissier qu’il avait été, il sentait le cochon grillé. Mais ça, Jean-Charles ne le saura jamais puisqu’il était entrain d’évacuer Momo et sa mémé. Moi l’Ange j’ai eu le cœur brisé. Brisé pour cette famille jetée dans la rue bien entendu. Mais brisé tout autant par le sort de l’huissier. Vous vous demandez pourquoi ? Parce que, quand Momo l'a tué, il est mort une deuxième fois. Ça faisait des années qu’à l’intérieur de lui tout était vide, creux et froid. L’ANGE


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