Mais enfin, où sont-ils tous passés? Plus je cherche et moins j'en trouve. Pourtant, je ne suis pas complétement gâteux... Je me souviens qu'il y en avait bien... des vieux! Faites un effort et rappelez-vous. Au café de la poste, il y en avait trois qui jouaient aux cartes toute la journée: Un vieil édenté qui chiquait , un boiteux qui crachait et un Monsieur toujours endimanché qui s'offusquait. Quand l'un gagnait, l'autre grognait. Puis après que le perdant eut payé sa tournée, ils riaient. Je n'ai pas rêvé. Je ne suis pas fou. Je vous jure que c'est vrai, ces hommes-là existaient! Mais où sont-ils allés depuis que le café a fermé? Et ce grand-père au regard bleu azur qui, chaque jour, à dix heures précises, flânait au bord de la rivière. Il s'asseyait un peu fatigué sur ce banc, juste à côté de l'églantier et il attendait... Il attendait son Émilie, si jolie avec son chapeau fleuri qui le surprenait, sans faire de bruit. Eux aussi riaient de ces petits gestes tout doux. Ils riaient si fort que même des années après, tandis que je marchais non loin de ce sentier, l'écho de leurs voix a résonné jusqu'à moi. Quand je les ai entendus, J'ai couru jusqu'à la rivière. J'ai fait mille prières... Dans mes pensées folles et naïves, j'ai cru rattraper le temps perdu. Mais hélas, quand je suis arrivé près de l'églantier, il n'y avait plus de banc, plus de rires, plus rien! L'endroit était désert, froid, sale et silencieux. Un fou, un jaloux, me les aurait-il volés, mes vieux? Alors, j'ai voulu vérifier. Je suis allé à l'angle de la rue des pieds ferrés. Au n°2, il y avait une petite maison en pierre. C'est là que vivait une vieille toute voûtée qui s'appelait Marcelle. Derrière sa fenêtre, devant son métier à tisser, elle confectionnait des dentelles toute la journée. Jamais elle n'avait quitté sa maison. Jamais! Je jure que c'est vrai. J'étais sûr de la retrouver. J'ai frappé à la porte. A part le vent, personne n'a répondu. Il m'a soufflé furtivement qu'elle avait foutu le camp. Mais où? Mais pourquoi? Alors à vous qui me lisez, je pose cette question: L'auriez-vous vue filer ma si gentille Marcelle? Qui peut me dire où sont passés les vieux de mon village? Qui? A force de les oublier, à force ne plus les écouter, ne croyez-vous pas qu'ils en ont eu assez et qu'ils sont partis tous ensemble dans une contrée reculée? Vous, je ne sais pas mais moi, je vais m'accrocher à cette idée. Car pour tout vous raconter, sur ma route, en rentrant de mon village, j'ai croisé un homme d'une trentaine d'années... Un fou, un fou à lier. Quand je lui ai demandé où étaient passés les vieux, il m'a répondu que , désormais, on les enfermait dans des maisons spécialisées! Aujourd'hui encore, je ne peux croire qu'il disait vrai! Max
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