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Le rocher et la mer.

Il y a des chants si terribles qu’on a l’impression, quand on les entend, que sonne le glas.


Moi, par exemple, quand la lune se met à chanter, mon cœur se brise car je sais qu’elle va me quitter.


Cruel destin que le mien ! Je suis enraciné pour l’éternité à regarder ma bien-aimée s’en aller. A chaque fois qu’elle m’abandonne sur la grève, c’est comme si une lame de fond me ravageait le cœur. Pourtant, ce n’est pas faute de la retenir par des mots enflammés. Mais ma belle, cette mer fougueuse, n’en a que faire et me demande de me taire car elle s’en va, me dit-elle, rejoindre le ciel étoilé.


J’ai beau lui dire qu’elle court après des chimères, que la lune est une menteuse et qu’elle n’atteindra jamais l’univers mais elle refuse de m’écouter. Hypnotisée, elle s’éloigne de moi comme une somnambule.


Alors, le cœur triste, je la regarde partir.


Pendant quelques instants, je ferme les yeux et je me concentre sur le frôlement des quelques gouttes d’eau salées qu’elle a laissées sur mon corps de pierre.

Je les sens dévaler.


C’est une caresse subtile qui me procure un plaisir exquis ; Mais rapidement, quand ce n’est pas le vent, c’est le soleil qui me vole ces petites particules d’elle.

Elle... que les Hommes appellent la Mer.


Si vous saviez comme je l’aime mon adorée.


Tout le temps qu’elle est loin de moi, je souffre. Ses caresses me manquent. Il n’y a rien de pire que d’être devant celle qu’on aime sans pouvoir la rejoindre, sans pouvoir la toucher, la sentir et l’honorer.


Je me raisonne, je me dis que, dans quelques heures, elle me reviendra ; mais pourtant rien à faire, j’ai peur... Peur qu’elle s’en aille ailleurs.


Fixé sur elle, je suis attentif à ses humeurs.


J’aime tout d’elle, sa douceur et ses colères. J’aime ses passions et ses sommeils. La nuit, sous les étoiles, elle se pare d’un déshabillé argenté. On dirait que des milliards de petits diamants flottent sur son corps ondulant. Et lorsqu’elle se déchaîne, ma déesse prend des couleurs noir-bleuté et, de ses vagues immenses, elle déploie ses bras océans vers le ciel étoilé.


Fasciné par sa beauté, j’observe ma sauvage danser. Ses longs cheveux d’algues explosent en fouillis organisé, son corps se tord, se tend, se déploie, va et vient au rythme du vent.


Enfin, quand la lune cesse de chanter, ma bien-aimée se souvient de son bon vieux rocher.


Doucement, par petits rouleaux, elle s’approche de moi.

Et dès qu’elle me frôle, je frémis de joie.

Mon désir monte, j’ai envie d’elle.


Dès que je suis assez près, je l’inonde de baisers salés.

Alors elle m’engloutit puis se retire et revient.


Nous ne sommes plus qu’un, noyés pour l’éternité...jusqu’au moment, terrible, où la lune se réveille et se remet à chanter.

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