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Photo du rédacteurMartine Marie

La vengeance est un plat qui se mange froid!

J’ai été condamnée pour meurtre. À la base, je devais rester vingt-quatre ans en prison mais les psychiatres ont jugé que j’étais prête à réintégrer la société.


Quand j’ai entendu le juge annoncer que ma peine était écourtée, j’étais assez fière de moi : Berner autant de monde à la fois, c’était du grand art ! J’avais réussi à les convaincre que je regrettais mon acte. La vérité, c’est que si c’était à refaire, je n’hésiterais pas une seule seconde !


Depuis que je suis dehors, je n’arrive toujours pas à me sentir libre. Je me sens toujours enfermée, prisonnière de ma vengeance. C’est pour ça que je suis montée dans ce bus : Pour y mettre fin !


Pas une seule seconde, ma colère ne s’est tarie. Dans un petit quart d’heure, quand le bus me déposera au cimetière, j’en aurai presque fini. Il me suffira de chercher sa tombe et quand je l’aurai trouvée, je cracherai dessus après y avoir déposé la tête d’une « hirondelle » que j’ai moi-même décapitée.


Seize ans que j’attends ce moment.

Seize ans que j’ai tué Jean!


Je me souviens, c’était l’été.Ce matin-là, il faisait chaud. Je me sentais d’humeur bizarre. J’avais l’impression de m’être réveillée d’un étrange cauchemar.


Je n’arrêtais pas de me poser cette question : « Que s’est-il vraiment passé cette nuit ? » J’étais comme sonnée. Gelée, je tremblais comme une feuille. Ce n'était pas normal. Pour vérifier, j’ai tapoté plusieurs fois sur le thermomètre. Il affichait, je m’en souviens très bien, vingt-cinq degrés.


Tandis que mon voisin, veilleur de nuit, allait se coucher, moi je devais ranger et nettoyer cette maison. Comment pourrais-je la qualifier ? Était-elle désordonnée ? Disloquée ? Ah ça y est, ça me revient, elle était « ensanglantée » !


C’était curieux, à part cette sensation désagréable de froid, je ne ressentais presque rien.

Pourtant, j'avais été très...comment dire... Irritée ? Fâchée ? Non, la vérité serait : Furieusement enragée. Contre qui ? Contre Jean !


En fait, ce qui m’agaçait le plus sur le moment, c’était le désordre. Plus je regardais l’état de ma maison et plus la situation m’exaspérait. J’avais mis une telle attention pour décorer notre nid que le voir dans cet état me rendait folle. Pourtant, si je voulais qu’elle reprenne son éclat, il devenait impératif que je me calme et que je me débarrasse de ce gros tas de merde.


Je l’ai donc découpé méthodiquement de bas en haut.


Curieusement, ce qui m’a posé le plus gros problème, ce furent ses bras (au niveau de l’articulation de l’épaule). J’ai cru que je n’y arriverais jamais ! Désosser un homme, c’est beaucoup plus compliqué qu’un poulet et puis, ce qui est ennuyeux, ce sont les restes ! On ne peut pas les jeter n’importe où !


Je me posai alors cette question: Comment allais-je m’y prendre pour faire disparaître tous ses membres ?


Soudain, par la grâce du diable, je réalisai qu'il me fallait des sacs !... Oui c’était ça...des sacs !


Poubelles de préférence ! Car une vraie et bonne ordure se doit de partir dignement à la décharge ! Je les cherchais partout... Mais où étaient-ils ces bons dieux de sacs ? »


J’étais si perturbée que je n’arrivais pas à les retrouver. J’ai dû faire alors de gros efforts pour me remémorer où je les avais rangés. Et c’est comme ça que, subitement, ça m’est revenu : Je les avais mis en dessous de l’évier... juste à côté de son pied. (Veuillez me pardonner ce manque de précision, je ne sais plus très bien si c’était le gauche ou le droit qui gisait à cet endroit-là.)


Et un sac poubelle !

Un !

Un pied de connard emballé !


Quand j’y pense aujourd’hui, c’était fou : Tout ce bordel à cause d’une hirondelle.


Je tentais de me raisonner en me disant que tout ça, finalement, n’était pas si grave. Je me trouvais même héroïque car, en le dépeçant comme un cochon, je luttais à ma manière pour la cause des femmes trompées.


Le travail était épuisant. J'avais du mal à me concentrer. Ses boyaux glissaient sur le sol carrelé. Tout en mettant ces morceaux de viande dans mes sacs poubelles, je ne cessais de me répéter que ce n’était pas ma faute et que c’était la sienne ! Rien de tout ça ne serait arrivé s’il avait vidé ses poches! C'est quand j'ai voulu mettre sa veste dans la machine à laver que j'ai découvert ce bout de papier chiffonné. Je l'ai lu et ça m'a rendu folle.


Quand j'y pense, c'est fou l'effet que peuvent produire quelques centimètres carrés griffonnés. Mot pour mot, ça disait:


10 heures.

Place du pigeonnier...

Ton hirondelle qui t’aime.


Pathétique !

Comment peut-on aimer au milieu des crottes de pigeons ? Conne !


À 10 heures place du pigeonnier ?

10 heures ce jour-là, j’étais dans mon bain.

Je m’apprêtais... pour LUI !


Lui qui, à la même heure, baisait son hirondelle.

Déjà à 10 heures, il puait la tromperie et le mensonge.


Il m’a pris la tête, je lui ai coupé la sienne !

Et alors ?


Après tout, c'était moi la femme trompée, abusée, escroquée.

Face à une telle situation, il fallait bien trancher, non ?


Un couteau de cuisine affuté, un dernier baiser dans le creux de son cou et hop !

Un coup !

Un seul.

Bien planté entre les omoplates !


Il n’a même pas crié, même pas pleuré.

Il m’a juste regardée, étonné, pendant que je riais.

Le sang a coulé le long de ses jambes. On aurait dit qu’il pissait dans son froc. Amusant, non ?


Simple vengeance d'une femme humiliée.


J’étais si fatiguée : Fatiguée de penser, fatiguée d’emballer ! Jusqu’à ce jour-là, je n’avais jamais tué d’homme, ni quoi que ce soit d’autre d’ailleurs ! Un corps entier à emballer, morceau par morceau, jamais je ne m’étais imaginée le travail que ça représentait !


Et puis enfin, il y a eu le dernier sac poubelle. J’avais gardé le meilleur pour la fin : sa tête ! Je n’avais plus qu’elle à faire disparaître ! Mais au moment même où j’allais la mettre dans le sac, le téléphone a sonné.


À la première sonnerie, je me suis dit :

Où vais-je te mettre, tête sans cervelle?


Deuxième sonnerie...

Surtout pas d’emballement...


Troisième sonnerie

Une tête de pourri...


Quatrième sonnerie...

J’avais trouvé ! Enfin débarrassée!


J’ai alors décroché, c’était sa mère :


- Allo ?


- C’est Paula.


Je lui ai répondu laconiquement :


- Bonjour Paula.


- Quelque chose ne va pas ?


- Non tout va bien...


- Tu peux me passer Jean ?


- Non. Ton fils a la tête coincée dans le vide-ordure !


- Dans le vide- ordure ?


- Oui... il cherchait une hirondelle.


Finalement, terminer dans un vide-ordure, c’était assez logique pour un déchet. Jean, ou du moins ce qu’il en reste, est à présent au cimetière des marronniers. C’est là où je vais. J’ai une dernière petite surprise pour lui...Son hirondelle ! Je viens de la décapiter, elle aussi. Si vous aviez vu sa tête quand je l’ai tuée ! Mais ce n’est pas le moment de rigoler. Dans quelques minutes, les tourtereaux vont se retrouver quand je déposerai sa tête sur la tombe de ce fumier.


Et enfin... oui enfin, je pourrais me reposer. Je l'ai bien mérité, non?



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2 Comments


Martine Marie
Martine Marie
Sep 27, 2020

Hello Randolph !de temps en temps, j aime bien écrire des trucs horribles.Humour,horreur..tout est une question de dosage. A propos de la morale de l histoire, tu as complètement raison . Les maris doivent apprendre à faire leurs poches...et puis, c'est tout !


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Randolph
Randolph
Sep 26, 2020

Froid ou chaud, il en faut pour tous les goûts !

Le sanglant n'est pas vraiment mon truc, mais ici, le saupoudrage d'humour et le calme de la pauvre femme trompée sont tout à fait réussis.

De plus, le message passe...maris volages, videz vos poches !

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