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L'Amante

Dernière mise à jour : 10 nov. 2020


L’amour, c’est comme les gluons à l’intérieur d’un atome, c’est une force forte. C’est presque impossible à briser. Toutefois, il arrive que certains ou certaines y parviennent. Les conséquences peuvent être alors dramatiques.


La preuve dans l’histoire que je vais vous raconter maintenant…


Lili, au fond de son lit, ressemblait à un petit oiseau. Les infirmières venaient à tour de rôle pour lui proposer de manger mais rien à faire, elle ne pouvait rien avaler. Elle ne pesait plus qu’une quarantaine de kilos. On l’avait perfusée.


Quand elle ne dormait pas, elle attendait, les yeux dans le vague. Parfois quelques larmes coulaient le long de ses joues pâles. Elle, qui était si bavarde, ne parlait plus. Sa gorge s’était complètement nouée et plus aucun son ne parvenait à sortir de sa bouche. Telle une recluse, enfermée dans sa tête, elle était à présent enracinée dans sa prison de souffrance.


Peut-être était-ce dû au fait que Marc, son cher et tendre amour, lui rabâchait qu’il fallait cloisonner. A force d’entendre ça, c’était rentré ! Le problème, c’est qu’à force de cloisonner, elle s’était emmurée à l’intérieur d’elle-même et que plus personne ne pouvait l’aider à en sortir.


Ses yeux qui, autrefois, brillaient comme des étoiles, ressemblaient à présent à des lacs froids et sombres. Il s’en dégageait une tristesse si abyssale que même le personnel de l’hôpital évitait de les regarder.


Alors qu’était-il arrivé à Lili pour vivre ainsi ? En un mot : L’amour ! Pour comprendre, il faut remonter en janvier de l’année passée.


Lili, pour la nouvelle année, avait décidé de changer de vie. Elle avait donc quitté maison et mari pour s’installer dans un joli appartement terrasse, rue du paradis. Elle avait réservé la plus grande des chambres pour créer son cabinet d’ostéopathie.


Elle avait eu rapidement un énorme succès car Lili avait la particularité de soigner les âmes en même temps que les corps. Elle appuyait là où ça faisait mal, au sens propre comme au figuré. Si bien que les douleurs des uns et des autres se dissipaient en même temps que la parole si libérait.


Lili, c’était l’incarnation même de la vie. Dans ses yeux, il y avait un gigantesque soleil et des bulles de champagne qui pétillaient. Elle était à la fois douceur et dynamisme, tempête et vent léger. Elle ressemblait à un bouquet de fleurs des champs, tout frais coupé.


Lili se plaisait dans ce quartier et, quand elle finissait son travail plus tôt, elle aimait s’y promener.


C’est justement lors d’une de ses flâneries qu’elle rencontra Marc. Lui et elle marchaient sur le même trottoir. Et au moment où ils allaient se croiser, tel un mauvais présage, l’hélicoptère des urgences de l’hôpital passa juste au dessus.


Marc et Lili levèrent la tête au même moment, tout en continuant à avancer. Ce qui devait arriver arriva : Ils se percutèrent. Le choc fut si fort que Marc tomba par terre et se tordit la cheville.


Lili, affolée, se précipita sur lui. Elle se confondit en excuses et, tout en l’aidant à se relever, lui écrabouilla même le pied. Marc, malgré la douleur, fut immédiatement charmé. Aussi il accepta volontiers d’aller à son cabinet.


En bonne professionnelle, elle le massa, lui mis un bandage et s’excusa encore et encore. Marc, amusé, la laissa faire et de sa voix douce lui susurra quelques mots qui la troublèrent. Au moment de partir, il lui prit la main. Elle fut envahie par une douce chaleur qui lui fit rosir les joues. Elle eut envie de l’embrasser mais elle n’en fit rien et le laissa repartir.


Le lendemain, il revint, et les jours qui suivirent. Marc avait toujours une bonne excuse pour sonner chez Lili. Quand il n’était pas là, elle pensait à lui jour et nuit. Un jour, enfin, il l’embrassa et le cœur de Lili, définitivement, chavira.


Marc était un homme marié. Il lui expliqua gentiment qu’il ne pouvait pas quitter sa femme. Qu’elle ne le supporterait pas, qu’elle était d’une extrême fragilité. Et puis, il ne se voyait pas abandonner tout qu’il avait construit ces trente dernières années. Il posa donc un certain nombre de conditions. Elle les accepta toutes et lui donna sa parole que jamais elle ne mettrait en danger sa famille.


Le contrat était clair et défini. Mais, la grande question qu’ils auraient dû se poser l’un et l’autre était : Peut-on gérer l’amour comme un contrat de travail ?


Régulièrement, ils se retrouvaient pour s’aimer. Il y avait entre eux une passion dévorante. Ils pouvaient faire l’amour pendant des heures et des heures sans se lasser. Dès qu’ils étaient l’un près de l’autre, un courant d’amour envahissait l’espace. Lili se donna à lui comment jamais elle ne l’avait fait. Par amour, elle lui ouvrit son cœur et lui offrit son âme.


Ils firent de leur l’amour un art majeur.


Ils ne perdaient aucune minute, aucune seconde. Lili débordait de bonheur et jamais elle n’avait été aussi belle, aussi rayonnante. Entre les bras de son amant, elle devint reine. Sous les caresses amoureuses de sa maitresse, Marc devint dieu.


De temps en temps, quand la femme de Marc partait chez ses enfants, ils profitaient pour passer quelques jours ensemble. C’était merveilleux. Tout s’accordait parfaitement. Lili, dans ces moments-là, oubliait toutes les règles. Elle rêvait que c’était pour la vie et qu’il resterait près d’elle.


Et puis, sa femme revenait. Alors il regagnait foyer et lit conjugal. Lili souffrait affreusement quand il partait. Le plus dur, disait-elle, c’est d’être un mensonge, une ombre. Je suis une femme qui doit vivre un amour caché alors que j’ai envie de crier au monde entier que je t’aime !


Alors, il lui répondait un peu naïvement :« Fais comme moi. Cloisonne ! Quand je pars, oublie-moi. Et puis tu sais que je t’aime et que tu comptes beaucoup pour moi. Alors tu dois t’appuyer sur cet amour pour ne pas souffrir. »


Sur ces paroles, il partait rejoindre sa femme.


Franchement, elle essayait mais c’était impossible. Dès qu’il avait passé la porte, son cœur se déchirait, son ventre se tordait et une tristesse infinie s’emparait de tout son être. La plupart du temps, elle ne disait rien. Elle ne voulait pas en rajouter. La situation était assez difficile à vivre comme ça. Et surtout, elle ne voulait pas le perdre. Alors elle cueillait ces petits instants de bonheur comme on cueille les fleurs au bord du champ. Juste une fois, elle osa lui dire :


- S’il te plaît, ne me brise pas. Protège-moi.


Il avait écouté sans vraiment réaliser. Mais le pouvait-il vraiment ? Avait-il vraiment conscience d’avoir entre ses bras un cœur en cristal de Baccara ?


Et puis un jour, le drame arriva…


Il devait venir pour 16 heures mais à 17 heures, il n’était toujours pas là. Quelque chose n’allait pas. Elle lui envoya des dizaines de messages mais aucun d’eux ne trouva de réponse.


Affreusement inquiète, elle ne dormit pas de la nuit. Le lendemain matin, elle essaya de l’appeler…C’est sa femme qui décrocha. Lili lui dit :


- Excusez-moi Madame mais votre mari avait RDV avec moi à 10 heures et il n’est toujours pas là. Je m’inquiète.


Et là, la voix lui répondit d’un ton glacial :


- Mon mari a fait une crise cardiaque. Il est mort.


Lili laissa tomber le téléphone et s’effondra sur le sol. Dévastée, elle pleura toutes les larmes de son corps. Elle avait tellement mal qu’elle crut qu’elle allait en crever. Elle resta ainsi toute la journée et toute la nuit, baignant dans un océan de larmes. Enfin, à même le sol, elle s’endormit pour quelques heures.


Le lendemain matin, lorsqu’elle se réveilla, elle n’avait qu’une idée en tête : Le voir une dernière fois. Elle se fit une rapide toilette et alla se renseigner dans le quartier pour savoir où était Marc. Elle apprit qu’on l’avait transporté dans une chambre mortuaire. Elle voulait le voir, l’embrasser une dernière fois, lui dire quelques mots d’amour et cacher sur lui un morceau de tissu qu’elle avait découpé d’une de ses écharpes. Au moins, il partirait avec un petit bout d’elle.


Une heure après, elle se présentait à la chambre funéraire mais au moment où elle allait entrer, la femme de Marc sortit.


- Bonjour Madame, je viens voir une dernière fois votre mari.


Sa femme regarda les yeux de Lili. Ils étaient rouges et cernés. Elle comprit immédiatement qui elle était. Elle répondit alors froidement.


- Il n’y a que les intimes qui peuvent voir mon mari !


Le cœur de Lili se serra très fort, ses mains tremblèrent, les larmes lui montèrent aux yeux et ses lèvres alors bougèrent toutes seules :


- Mais je suis une intime. Laissez-moi entrer… s’il vous plaît… Je dois lui dire au revoir… Je l’aime moi aussi…

- Je sais qui vous êtes. Vous croyez quoi ? Que je ne savais pas ? Je me demandais juste quelle tête vous aviez. Vous croyiez faire partie des intimes ? Mais je rêve ! Pour lui, vous n’étiez qu’un amusement, une détente. Mais il n’en avait rien à faire de vous. D’ailleurs, si tel était le cas, il aurait préparé quelque chose pour vous, non ? Il vous a toujours cachée, vous comprenez ce que ça signifie ? Vous ne comptiez pas pour lui. Alors maintenant que vous savez, déguerpissez !


Ces quelques mots lui firent l’effet de coups de couteau plantés en plein cœur. Aussi violentes ces paroles étaient-elles, cette femme avait raison. En fait, aux yeux de tous, elle n’était rien pour lui.


Elle n’était qu’un vice caché.


Cette femme, tel l’accélérateur de particule du CERN, celui qui brise les atomes, venait de briser cette force forte qu’on appelle amour. C’est à ce moment-là, je crois, que les éclats dorés qui faisaient pétiller les yeux de Lili se sont évaporés. A la place, il y avait deux grands lacs de tristesse gelée.


Elle essaya malgré tout d’aller à l’enterrement mais la famille avait donné des ordres pour qu’on ne la laisse pas entrer.


Alors elle attendit quelques jours et un soir, en cachette, elle se rendit sur sa tombe. Elle s’assit par terre, tout près de lui et posa sa joue sur la pierre tombale glacée. Le gardien du cimetière, la retrouva le lendemain et appela les pompiers. Il paraît qu’elle ne cessait de répéter : « Je suis un vice caché… »

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