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Joyeux anniversaire

Hier, j'ai avalé une tartiflette, léché une énorme religieuse (le gâteau pas la nonne), bu deux bouteilles de champagne et fumé trois paquets de cigarettes. Comme aurait dit le frelon : J’avais le bourdon !... Et puis, en fin d’après-midi, le téléphone a sonné. C'était Nana, une amie. Elle a vite pigé qu'un truc ne tournait pas rond. Entre deux rots, j'ai baragouiné que j’avais le moral à zéro. - Mais qu’est-ce qui se passe ? - Demain j’ai 46 ans et j’ai des cheveux blancs. J’ai du bide et des rides. Elle m'a demandé illico: - Tu mets quoi sur ta peau? - Rien... - Comme ça rien ? - Rien, j’te dis! - Mais bon sang de bon soir, tu m’étonnes que tu n aies pas espoir ! Ma chérie, si tu ne mets rien sur ta peau, dans cinq ans tu ressembles à Jeanne Moreau! Jeanne Moreau?... A 51 ans ? La vache! J'ai raccroché et je me suis dit que j’allais lutter ! Non je ne ressemblerais pas à Jeanne moreau à 51 ans ! Le lendemain matin à 10 heures pétantes, j’étais dans le rayon des produits de beauté des galeries Lafayette ! J'étais la première ! C’était décidé, pour mon anniversaire, je mettrais le paquet ! Le cadeau, ce serait pour ma peau ! Là, je vise une vendeuse un peu trop maquillée et je lui répète texto ma conversation de la veille. Je finis bien sûr par lui dire que je ne veux pas ressembler tout de suite à Jeanne Moreau. Je la vois plisser ses yeux de chatte, pincer ses lèvres rouge écarlate et, avec un air de maîtresse sortie tout droit d’un film sado-maso, me déclarer : - Vu votre âge, votre amie a raison ! Il est urgent de se presser ! Je ne l’ai pas insultée, je n’ai pas relevé. Je l’ai religieusement écoutée. Elle m’a mise en garde contre les radicaux libres et les ravages du temps. Elle m’a demandé si je buvais de l’alcool, si je fumais. Je n’ai pas eu le temps de répondre que, déjà, elle avait deviné la salope! Elle m’a fortement conseillé d’avoir une alimentation saine et équilibrée, de boire de l’eau parce que ça aussi c’était bon pour ma peau ! Plus je l’écoutais, plus j’avais la sensation d’être une catastrophe ambulante. Merde. C’était donc grave ! Terrifiée par ce qui allait m’arriver, j’ai demandé : - Vous croyez que vous avez quelque chose pour moi ? Une sorte de ravalement de façade qui serait rapide et efficace ? Ses yeux se sont alors illuminés et elle s’est mise à marcher, à marcher. J’ai eu le droit à une vraie randonnée à travers les rayons. Quand elle s’arrêtait, ce n’était évidemment pas pour me faire admirer le point de vue, mais pour me tendre un pot de crème miracle. Pendant une demi-heure, elle m’a mis sous le nez : Masque, gommage, produit lisseur, repulpeur, renforçateur, draineur et rajeunisseur ! Il fallait donc que je mette tout ça ? Je lui ai fait remarquer que si je voulais suivre son ordonnance, il fallait que je prévoie de me lever une heure plus tôt ! Et que, de ce fait, j’allais encore être plus crevée à la fin de la journée. Elle m’a proposé direct un anticerne ! Enfin elle a conclu qu’il fallait que je sache ce que je voulais. Que c’était le prix à payer ! Soit, j’étais décidée. Je n’allais pas reculer. Je suis passée à la caisse et là j’ai eu mal. Très mal : 170 euros ! La gorge nouée, j’ai donné ma carte et j’ai validé mon code secret en me répétant que c’était le fameux prix à payer. La vendeuse a lu dans mes pensées et a cru bon d’ajouter : - Vous n’allez pas le regretter. Tenez, regardez-moi. Je mets toutes ces crèmes depuis vingt ans et vous avez vu comment je suis ? Allez... N’ayez pas peur. Quel âge me donnez-vous ? Question piège ! Etais-je obligée de répondre ? Visiblement oui, elle attendait, déjà, glorieuse. Je l’ai donc regardée, scrutée, examinée. J’ai évalué « la chose » en face de moi proche de la retraite. Pour être sûre de ne pas commettre d’erreur, j’ai annoncé un joyeux: - 54 ans ? Subitement, j’ai vu « la chose » perdre son sourire. Son front s’est plissé et dans une colère froide elle m’a rétorqué sèchement : Cinquante ! Excédée, elle m’a tendu mon paquet. Je n’ai pas bronché ; j’ai filé. Finalement, cette histoire m’a amusée et vraiment rassurée. Vous savez pourquoi ? Parce que même si mon corps subit les effets du temps qui passe, mon esprit, lui, n’a pas vieilli. La preuve ? La preuve est que j’ai cru qu’en me barbouillant d’onguents, j’allais anéantir les ravages du temps. Naïveté, allez-vous penser. Non, c’est que je crois toujours aux contes de fées !


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