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Histoire à ne pas mettre entre toutes les jambes...

Dernière mise à jour : 30 nov. 2020

L’homme à la tête de lion


J’ai bien failli perdre mon cœur et mon âme dans un petit ruisseau qui coule, en apparence, paisiblement dans la forêt aux merveilles.C’est un endroit un peu spécial… Il y règne une ambiance à la fois féérique et mystérieuse. Derrière chaque arbre, on a l’impression qu’un lutin ou toute autre créature sortie d’un livre enchanté va apparaître.


De l’enchantement, c’est sûr il y en a… Mais, croyez-moi sur parole, il n’est pas toujours merveilleux, loin de là. Certains jours, il peut être terrifiant au point de vous faire perdre la tête.


Vous vous demandez sans doute ce qu’il peut y avoir d’aussi effrayant?

Je vais tout vous raconter mais avant, je dois vous prévenir, pour votre sécurité, que je garderai l’endroit secret. Je ne souhaite pas que vos désirs ardents (voire concupiscents) vous poussent à y aller. Votre cœur rouge sang pourrait devenir aussi pâle que la neige et vous sombreriez alors dans un vide abyssal.


Tout s’est passé hier matin.


Le soleil, malgré les températures basses de ce mois de novembre, avait pris un air fier et satisfait. Il brillait très fort dans un ciel bleu azur. Quant aux moineaux excités, ils allaient et venaient comme des ouvriers pressés. Ils préparaient leur nid pour l’hiver et fonçaient à toute vitesse dans les haies avec mousse ou brindilles bien coincées dans leur bec. Ce ballet énergique me fit sortir des nuages de mes songes et me donna l’envie irrépressible de prendre mon vélo et de me rendre dans ma forêt enchantée.


Je me suis chaudement habillée. J’ai enfourché ma bicyclette et, quinze kilomètres après, j’y étais.


Enfoncée au cœur de la forêt, je décidai enfin de m’arrêter. Là, au bord du ruisseau, sur un tapis douillet de mousse couleur olive, je me suis assise.

Je ne pensais plus à rien, j’étais bien.


D’abord, comme dans un concert de musique classique, il y eut la première note. Celle–ci se manifesta par une brise légère qui, de son souffle soyeux et caressant, détacha quelques feuilles de leurs branches. Elles descendirent en virevoltant gracieusement. Elles me firent penser à des danseuses étoiles qu’on aurait plongées dans un bain de poussière dorée.


Cette pluie délicate m’enchanta !


Puis vint le chant joyeux du clapotis de l’eau. Mon regard se porta alors sur les flots. Des milliers d’étoiles, minuscules diamants tombés du ciel, scintillaient sur le ruisseau. J’étais émerveillée par tant de beauté.


Soudain, entre les ondulations de l’eau, quelque chose attira mon attention. Un vortex s’était créé et, à l’intérieur, je crus distinguer deux yeux noirs légèrement argentés.

Je plissai les yeux, aiguisai ma vue pour vérifier que ce n’était pas encore mon imagination qui me jouait un tour… Mais non, il y avait bien deux yeux perçants au fond de ce ruisseau, et qui me regardaient…Pire qui m’appelaient, qui me désiraient.

Je sentis naître en moi un sentiment de luxure que je ne me connaissais pas.


L’enchantement qui m’avait émerveillé quand j’étais arrivée se dissipait progressivement dans les brumes. J’avais la sensation de passer de l’autre côté du miroir. Et dans ce monde-là, les oiseaux ne chantaient pas mais on y entendait des cris endiablés qui s’échappaient d’un volcan rugissant.


Ce tourbillon infernal dans lequel mon regard avait plongé me rendait soudain captive d’un courant invisible dont le chef d’orchestre s’appelait débauche et vice.

Impossible de détourner mon regard, impossible de m’en aller, mon corps entier était comme attiré vers cette eau. J’avais soif de découvrir le plaisir et j’entendais dans l’air une musique dont le tempo avait des intonations lubriques.


Envoutée, j’avais envie de me donner. À ce stade, je ne maîtrisais plus rien, ni mon désir, ni mon esprit.


Instinctivement, comme si cet acte était logique et essentiel, je me déshabillai. En quelques secondes, je me retrouvai nue sur la berge, toute tremblante mais fiévreuse d’une envie qui me saisissait jusqu’au plus profond de mon intimité.

Je ne cessais de fixer ces yeux qui, comme deux serpents, avançaient vers la surface. Plus ils s’approchaient de moi, plus mon cœur battait fort dans ma poitrine.


Enfin un visage, puis un corps apparurent. Jamais je n’avais vu une telle créature de ma vie. J’étais à la fois subjuguée et terrifiée.


L’Homme étrange avait la tête d’un lion et une crinière éclatante, un torse puissant et musclé, des bras robustes et aimants, un sexe à faire rougir Aphrodite et, sur le dos, une multitude d’écailles noir de jais. Mais le plus fascinant était ses yeux. On aurait dit deux onyx polis et brillants. Il était redoutablement beau.


Beau comme un dieu, ce démon !


D’une voix grave et caressante, il m’appela vers lui. Il me dit qu’il m’attendait pour me déguster.


Au fond de moi, quelque chose me criait de fuir mais rien à faire, l’appel du désir était plus fort que la raison. Je glissai alors un pied dans l’eau, puis l’autre. Comme une promise, je m’avançai et collai mes seins contre lui. Je sentis sa peau contre la mienne. Elle était à la fois brûlante et glacée.


Son sexe gonflé appuyait sur mon pubis, était prêt à me pénétrer. Je n’avais qu’un souhait à ce moment-là, qu’il se glisse en moi et m’éperonne violemment.

Il plongea sa tête dans mon cou et me lécha l’oreille tandis que sa main me caressait le sexe. J’étais devenue une fontaine jaillissante.


Je compris réellement le danger que je courais quand il glissa sa langue dans ma bouche. Elle était longue et fine. Telle une anguille, elle se faufila dans ma gorge. J’eus du mal à respirer ; l’homme lion m’aspirait.


Par ma bouche, il volait mon énergie, ma vitalité et ma puissance. Plus il buvait ma vie, plus il bandait et plus je le sentais fort et redoutable.


Tout ce qui faisait de moi un être vivant était entrain de m’être volé. Bientôt, je serais un corps sans âme dont le cœur aurait été vidé de sa beauté !


Dans un éclair de raison, je suppliai le ciel que quelqu’un me vienne en aide.

C’est alors qu’une tempête se leva. Le vent souffla si fort que l’eau du ruisseau s’agita comme jamais. Je crus que j’allais être emportée.


La foudre tomba ici et là, provoquant un vacarme terrible. Autour de moi, les arbres fous se déchaînèrent dans tous les sens. Les branches se plièrent, se tordirent. Elles ressemblaient à des bras gigantesques et désarticulés. Elles fouettèrent le sol de colère.


Une louve et un cerf majestueux arrivèrent sur le rivage, suivis d’une harde de sangliers. Les animaux sautèrent dans l’eau, prêts à se battre avec l’homme lion. Je vis la panique dans son regard. Il me lâcha et s’enfonça dans le tourbillon noir d’où il était sorti.


Quelques minutes après, tout redevint calme et paisible. Les yeux pleins de larmes, grelottante et terrifiée par ce qui venait de se passer, je sortis de l’eau et me rhabillai. J’eus toutes les peines du monde à rependre mon souffle. Tenant à peine sur mes jambes, je me recroquevillai entre les grosses racines d’un hêtre.


C’est alors que l’arbre me parla :


- Tu as eu de la chance. D’autres avant toi, ici, ont perdu leur vie. Maintenant fuis !

J’enfourchai mon vélo et je rentrai à toute vitesse.


Une fois dans mon lit, je me promis que plus jamais je ne succomberais au charme d’un homme à la tête de lion...


Mais comme disait André Gide: La promesse d'une chenille n'engage pas le papillon !

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